EXPOSITION PHOTOS DE FILMS (1920 - 1940)  ILLUSTRANT LE METIER DE DECORATEURS DE FILMS.

 

Dimanche 17 Mai se tenait la 23ème Brocante du Village du Chénay organisée par l'association des commerçants du quartier.

Comme chaque année depuis notre installation, nous y avons participé. Nous aimons bien le côté festif de cette journée, bon enfant et populaire; les rues fermées à la circulation, les voisins installés à la première heure, qui nous interpellent un peu moqueurs (un vrai rituel)  en nous voyant pointer le nez par la fenêtre, d'un air encore endormi,  alors que tout le monde est déjà fin prêt. Les éternels "derniers installés" de la rue, c'est nous... Mais motivés à fond comme toujours...

 



Au rang des grands absents cette année, le beau temps. Une semaine à surveiller désespérément la météo, qui se trompe pourtant toujours, mais qui cette fois, juste pour me contrarier,  a eu le dernier mot: pluie au programme!

Adieu donc l'exposition déambulatoire au jardin, les enfants assis par terre pour une projection sous la tente, les parents tranquillement assis sous les arbres ou regardant les photos... Il a fallu réduire et surtout s'abriter. Difficile de passer de 300m2 à 50 m2, mais ce sont les aléas du plein air....
Je ne devrais pas me plaindre, moi qui était abritée alors que les malheureux exposants faisaient de leur mieux pour protéger leur marchandise de la pluie tout en permettant aux courageux chineurs de voir le contenu de leur stand... Beaucoup de défection cependant, car l'esprit n'est plus vraiment à la fête lorsqu'il se noit sous l'eau!

Perplexe je me demandais ce qu'il allait advenir de l'exposition: Soit la pluie allait faire fuire tout le monde, soit les gens n'allaient venir que pour s'abriter... Sans parler de mes amis parisiens que j'avais persuadé de venir passer la journée dans notre banlieue, leur ventant les charmes d'une exposition bbcue en prime!
Finalement comme la chance sourit aux audacieux, les gabiniens étaient au rendez-vous, parfois hésitants, timides, n'osant pas trop entrer, s'essuyant les pieds respectueux et regardant sagement tout en s'intéressant cependant, curieux ... Et leur présence a été la vraie récompense!
C'est promis, l'année prochaine je vais recommencer, pluie ou pas!

 

LE DECOR DE FILM EN FRANCE: 1929 L'ARRIVEE DU PARLANT

 

Avant 1929, le cinéma était un art muet: on était dans l'ère des images, mais aussi du silence et cela malgré les tentatives de sonorisation de Lumière, Méliès et tant d'autres qui considéraient le cinéma comme imparfait tant qu'il se contenterait de projeter des images imperturbablement muettes.

Pour la projection de « Napoléon » (Abel Gance), comme pour presque tous les films, le spectateur a droit à un accompagnement musical. Pour certains grands films, il s’agit d’une partition spéciale, écrite par un compositeur réputé. Pour « Entracte » de René Clair, Erik Satie écrivit une musique rythmée et ironique.

Malheureusement toutes les salles ne possédaient pas un orchestre. Dans les cinémas de quartier, il se réduisait souvent à un pianiste de plus ou moins grande qualité, mais souvent très médiocre, jouant sur des partitions préexistantes ou improvisant, et à quelques bruitages souvent très archaïques et rarement synchronisés, faits par des bonimenteurs placés sur les côtés de la scène.

 L’avènement du son contient une suite de révolutions. La première fut avant tout technique : le parlant ne pouvait s’imposer tant que les procédés d’enregistrement et de diffusion des films ne seraient parfaitement maîtrisés, ce qui pris un certain temps et fit naître une floraison de procédés.

L’invention provoqua l’enthousiasme, mais comme pour toute nouvelle création, les grandes compagnies hésitèrent à bouleverser une industrie prospère.

Une question est sur toutes les lèvres : « S’agit-il pour le cinéma d’une seconde naissance ou d’une mort ? ».

 

DE NOUVEAUX IMPERATIFS APPARAISSENT

Tout d’abord il est utile de préciser que le parlant n’a en rien modifié la conception des décors.

Mais si le langage ne gène en rien les décorateurs, la parole et les bruits vont être particulièrement gênants au début. Une attention particulière sera donc dirigée vers le son. Sa venue crée de nouveaux impératifs, dont la transformation des studios.

Le studio est un lieu où l’on doit pouvoir sans inconvénient enregistrer depuis les paroles les plus basses jusqu’aux orchestres.

 En effet, désormais le studio doit être tout à fait « imperméable » aux bruits extérieurs (circulation, voix…). De plus la qualité acoustique de la salle doit être parfaite afin de permettre un enregistrement de la parole et de la musique sans faille. La première condition à remplir est donc l’insonorisation des studios. C’est la quête du Silence absolu. Pendant le tournage des films muets, personne ne se souciait du bruit. Le réalisateur « criait » ses directives aux comédiens. Les studios comprenaient plusieurs plateaux et on tournait plusieurs films à la fois et personne ne se préoccupait du bruit que faisaient les ouvriers avec leur marteau. C’est incroyable ce que l’on était bruyant et bavard du temps du muet ! Le rouge n’était pas encore nécessaire et les acteurs pas encore figés par la présence des micros qu’il faudra apprendre à dissimuler.

De plus, en 1929, les caméras sont loin d’être silencieuses, elles émettent une sorte de ronflement fidèlement enregistré par le micro. Afin d’éviter cet inconvénient, on ne trouvera pas d’autre solution que d’enfermer l’opérateur et sa caméra dans une sorte de cabine. La caméra alors isolée, commença le calvaire du cameraman qui suffoquait….

 

LE RÔLE DU DECOR (1929)

 

« Le rôle du décor est de dénuder le réel

car la nature est trop riche, elle disperse l’attention »

(Alexandre Trauner)

 

Un film est le résultat des efforts d’une équipe. D’abord il y a le scénario, oeuvre de l’imagination, qui n’aura atteint sa forme définitive que lorsqu’il aura été passé à sa matérialisation puisqu’il est la préfiguration de l’image et du jeu, ainsi que du texte.

La compréhension du scénario par le décorateur est primordiale car la première matérialisation du film sera le décor. Le décorateur doit comprendre ce que désire le réalisateur, mais aussi sentir ce que celui-ci n’exprime pas forcément. Cependant, créer le décor ne suffit pas : il faut que celui-ci soit adapté aux différentes exigences du tournage, ce qui n’est possible qu’après une étude minutieuse du découpage.

Du temps du muet, on trouvait souvent plusieurs metteurs en scène tournant leur film en un même studio. C’est donc pour cette raison, mais aussi parce que avant 1925 la caméra était immobile, que les décors étaient construits séparément et au fur et à mesure du tournage, afin de libérer les plateaux.

Une fois la caméra mobile, poursuivant les personnages, se mettant « dans leur peau » pour traverser un couloir ou gravir un escalier, le décorateur devra élargir les limites de son décor.

Les nouveaux décors pourront unir en un même ensemble leurs différentes parties. S’il s’agit d’un appartement, la caméra et les personnages – qui forment souvent un tout – devront pouvoir se déplacer d’une pièce à l’autre sans être gênés par un quelconque meuble ou objet.

Le décorateur doit donc connaître à l’avance les déplacements des personnages et les angles de prises de vues et à partir de là, il pourra déduire l’allure plastique générale de son décor et même, en fonction de la distance de la caméra, savoir s’il doit y avoir un jeu de perspective.

Sur son plan il tracera donc tous ces déplacements, les différentes positions de la caméra, les rails sur lesquels elle circule et les pans du décor qui s’effaceront devant les personnages, ceci afin de prévenir une éventuelle destruction du décor., sans oublier les impératifs de l’enregistrement sonore.

Une collaboration étroite est donc nécessaire entre tous si l’on ne veut pas gêner les interventions des uns et des autres. Ce que l’équipe est censée créer, c’est un films racontant une histoire avec des images, des dialogues, des acteurs, sans subordonner le cinéma à l’un ou à l’autre. Ce qu’il faut donc créer est un tout harmonieux.

Au théâtre les lieux n’ont aucune importance, si ce n’est de resserrer l’acteur sur lui-même et le lieu dramatique.

Le rôle du décor de cinéma, même s’il n’a pas d’existence propre, est de créer une atmosphère générale et de situer les différents lieux où se situe l’action (qu’ils soient filmés dans leur ensemble ou en partie) et ainsi de rendre logique l’action et le comportement des personnages.

Le spectateur ne doit pas avoir le temps d’analyser le décor qui doit passer au second plan et n’être caractérisé que par la manière dont il est utilisé, éclairé, cadré….

Par exemple avec l’expressionnisme allemand, les sculpteurs, peintres, décorateurs, tinrent un grand rôle.

« Il faut, disent les expressionnistes, se détacher de la nature et s’efforcer de dégager l’expression la plus expressive d’un fait, d’un objet » (Lotte Eisner – l’Ecran démoniaque).

D’où l’importance accordée au décor, qui ne devra plus copier la réalité, mais devenir une création poétique.

D’autres créateurs, tel Mallet-Stevens, rechercheront la pureté des lignes et la sobriété dans l’architecture, car une part trop importante accordée à la décoration, dégrade le film et écrase le jeu des acteurs.

 

« En 1929-1939, le rôle du décor était primordial, pour certains films on a fait des rues entières en studio.

Pour L ’ETERNEL RETOUR (Jean Delannoy 1943), nous n’avons jamais trouvé le château adéquat qui amènerait à l’action, alors j’ai construit un château !

Au cinéma, c’est presque toujours le vérisme qui domine (hélas). J’aurai aimé faire des choses beaucoup plus fantastiques. Au théâtre on peut s’éloigner, on a pas de limite, tandis qu’en studio on est pris dans un cadre de vérisme. Il faut quelques fois le pousser jusqu’au bout, d’où parfois les matériaux véritables qui ont été employés dans les premiers films de René Clair.

Prenons un exemple bien précis : on début on faisait des sols en papier, puis on a utilisé de vrais parquets et de vrais carrelages. Cela faisait beaucoup plus vrais et surtout : c’était nettement moins cher.

C’était vériste et je crois que c’est cela la conception du décor de cinéma dans ce genre de films (ce qui ne s’appliquera pas à LA BELLE ET LA BÊTE). Tout dépend du sujet . Comme au théâtre, c’est le sujet qui prime, c’est le sujet qui commande »

 (Georges Wakhévitch, propos recueillis)

 

 LA REALITE CINEMATOGRAPHIQUE

 

« La vérité cinématographique est une vérité d’observation et non pas de copie. La vérité c’est une parole, de même que pour le monsieur qui dit « ma caméra c’est un stylo ». La vérité est une vérité beaucoup plus sensible de compréhension des êtres humains, de leurs actions. Quand vous lisez, vous imaginez très bien les lieux, vous faites dans votre tête un schéma, que vous prenez pour une réalité totale…Vous voyez la difficulté pour toucher « la vérité vraie »!

La vérité n’existe pas ; c’est une chose impalpable.

Si nous arrivons dans nos films à faire éprouver au maximum de personnes une vérité, alors nous avons gagné. Mais de là à dire qu’elle sera la vérité des gens dans dix ans…

Hugues Laurent, aurait parlé de l’apparence de la vérité. Nous, ce que nous cherchons, c’est en fait de donner de la profondeur. Parler d’une apparence de réalité et non pas d’une vérité, signifie que le résultat ne peut pas être réel.

Dire : je vais tourner dans un endroit vrai, parce que j’aurai plus de vérité est une erreur.

Dans un décor, tout joue. Nous pouvons donner mille impressions différentes avec un éclairage différent. Ce qui plait dans les décors de Lazare Meerson, c’est qu’il y avait mis de la poésie. Il avait apporté quelque chose en plus. Maintenant cela peut nous paraître faux ».

(Lucien Aguettand, propos recueillis par Lydia Hornn)

 

« La vérité cinématographique, c’est la qualité de l’image. Regardez les décors de Alexandre Trauner, Colombier, Lourié… Tous les décorateurs composaient leur décor pour qu’il y ait un équilibre dans les masses, dans les ouvertures et dans les meubles… Mais aussi avec le chef opérateur, ils cherchaient un équilibre de lumière. Tout cela était étudié, ça ne se faisait pas n’importe comment ! ».

(Max Douy, propos recueillis par Lydia Hornn)

 

« Ce qui est faux ou pas faux, tout cela n’est qu’une question de sensibilité. Un décor dans la plupart des films tournés en réel sonne faux parce que les acteurs sont limités dans leurs mouvements. On a l’impression qu’ils longent le mur car en fait ils ne peuvent aller tourner plus loin étant gênés par un quelconque objet… Voilà encore l’éternel problème de l’économie ! »

(Alexandre Trauner, propos recueillis par Lydia Hornn)

 

POURQUOI TOURNE T-ON EN STUDIO?

Contrairement à l’œil humain, extrêmement mobile, la caméra ne voit pas tout à la fois. Son champ visuel est limité en largeur et en hauteur. Il est pratiquement impossible d’obtenir une vue d’ensemble d’un intérieur normal, en mettant l’appareil de prises de vues dans la pièce. Cette première constatation amène à concevoir le décor non pas pour l’œil humain, mais pour l’œil de la caméra.

L’éclairage d’un intérieur se fait au moyen de projecteurs électriques et la puissance de ces projecteurs varie suivant l’importance des surfaces à éclairer.

Joignons à ces difficultés l’obligation de transporter toute l’équipe su place, les dégradations possibles et nous comprendrons pourquoi, à de rares exceptions près, on préfère construire en studio des décors spécialement conçus pour le film.

 

« On ne tournait pas en décor par désir . C’était toujours pour des raisons économiques. Pourquoi utilisait-on le studio? Pourquoi y retourne t-on ? C’est parce qu’on peut le contrôler. Depuis les débuts de l’histoire du cinéma, on a utilisé le décor parce que l’on pouvait y faire des choses qui auraient été impossibles dans la réalité. Il nous arrive aussi de transformer la nature. C’est encore une création de décorateur. On essaye simplement de suggérer les choses. C’est le trompe-esprit. Quand c’est mauvais, ça ne va même pas jusqu’à l’œil ». (Alexandre Trauner – Cinématographe 1976)

 

« Il n’y avait pas de grosses difficultés concernant les tournages en extérieur, mais il se passait des choses parfois bizarres. Prenons l’exemple du « DERNIER TOURNANT» de Pierre Chenal. Il y a une scène où le mari est précipité avec sa voiture du haut d’un ravin. Le directeur de production avait calculé qu’il serait moins coûteux de construire le précipice en studio, que de louer des quantités de groupes électrogènes. J’ai donc construit en béton armé toute la chute de la voiture, en studio, du rocher à l’arbre arraché par la chute ! ».

(Georges Wakhévitch , propos recueillis par Lydia. Hornn)