LA CARICATURE D'UNE CERTAINE SOCIETE ANGLAISE :
Le décor crée l'atmosphère d'un film et situe l'histoire dans un cadre donné. Ici, Asquith nous montre la bourgeoisie oisive de Londres sous l'époque victorienne. Le décor fait donc ressortir le côté riche. Cette richesse exubérante et déconcertante cherche à étonner et reflète la prospérité de l'Angleterre, à une époque de remarquable essor, tant dans le domaine économique, industriel, colonial, faisant de Londres la capitale financière du monde.
Victoria qui est, aussi, impératrice des Indes, règne sur des Etats africains, océaniens, américains. Neveux et nièces se partagent les trônes de toutes les monarchies européennes.
Le décor exagère le caractère dominant des éléments qui le composent. Ici le style rococo se prête bien à l'exagération dans sa recherche d'effets et son abondance d'ornementation, mais l'accumulation des détails (assiettes décoratives, pacotilles sino-japonaise, paravents...), qui s'intègre si bien au décor, semble faire défaut à la règle habituelle du décor de cinéma qui refuse de donner de l'importance au détail afin de privilégier l' impression d'ensemble.
Comment définir les décors de Carmen Dillon? Référons nous à Max Favalleli (Cinéma Broadway), "un ravissant bibelot de goût anglo-saxon. Un chippendale dans un écrin de cretonne à fleurs et de schintz glacé".
LA VIE EN ROSE :
Les décors sont photographiés dans un technicolore aux teintes pastels ce qui fait songer à des "bonbons acidulés, empapillotés de papier gaufré et frisé" (A. Lang, France Soir). La nouveauté du film réside essentiellement dans l'interprétation du décor par la couleur: "Pour la première fois, nous assistons non seulement,à son utilisation physique intelligente, mais si je puis le dire, à son interprétation chimique. (...) Décors et costumes sont fondés sur la couleur rose comme ils pourraient l'être au théâtre, mais le technicolore ne se contente pas de la reproduire, il y ajoute une atmosphère de même nuance", dira André Bazin.
Carmen Dillon fut la seule femme Art Director à la British Cinema. Avant de réaliser les décors d' Il importe d'être Constant, elle fut la collaboratrice de Laurence Olivier pour Henry V (1944), Carnival (1946), Hamlet (1948) et Richard III (1955).
Mais pour les décors d' Il importe d'être Constant, elle travailla seule et obtint d'ailleurs un prix au Festival de Venise. Les toilettes créées par Joan Greewood ont également été conçues pour le technicolore, que les spécialistes commençaient à bien dominer et qui perdait ses teintes vives sans nuances. Ici le rôle de la couleur est important car elle se substitue au relief du décor et habille le cadre, contrairement aux films précédents dans lesquels la substitution de la couleur au noir et blanc n'était qu'un agrément supplémentaire à l'image. Ici, le décorateur est devenu un peintre.
(RCV - Editions de Presse Technique "L'Avant Scène")
