Interviews

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LA RUMBA 

(Août 1986 aux Studios d'Epinay)

 

 realisation: Roger Hanin

Avec : Roger Hahnin, Michel Piccoli, Niels Arestrup, Patachou, Guy Marchand, Corinne Touzet, Sophie Michaud, Stéphane Jobert, Karim Allaoui, Viviane Reed, Yves Vincent...

L'histoire 

 En 1938 à Paris, deux hommes s'affrontent : le commissaire Xavier Detaix chargé de l'ordre et de la sécurité, et le mafieu Beppo Manzoni qui se charge de la pègre. Detaix se retrouve alors dans une position délicate. Il se voit dans l'obligation de demander un service à Mazoni...

(Cinémotions)
 

INTERVIEW DE ROGER HANIN :

- LH : "Comment l'histoire de la Rumba est-elle née"? Le personnage de Beppo a t-il inspiré Roger Hanin ou le rôle a t-il été écrit pour vous?"

- RH : Je crois que je peux dire que le rôle a été fait spécialement pour moi puisque Jean Curtelin et moi même avons écrit le scénario ensemble. Mais curieusement, quand on écrit, quand on joue et que l'on met-en-scène, on est modeste. On raconte une histoire et finalement les rôles arrivent à devenir sans grand relief. Ils sont présents,  c'est tout. En fait, le rôle ne m'a pas tellement séduit, même si j'ai voulu le jouer. Une fois le script achevé, j'ai eu une deuxième réaction qui a suivi la première sensation: c'était de dire qu'en effet le rôle n'était pas brillant, mais qu'il fallait lui donner "un peu de chair et de corps" pour faire fonctionner l'action. A la dernière mouture le rôle ne m'a pas tellement intéressé, mais maintenant que je le vois à l'image, je dois avouer qu'il me plait beaucoup!

- LH : "Jean Curtelin a déjà été le dialoguiste de "Train d'Enfer". S'agit-il d'une vieille complicité? Comment a commencé votre collaboration ?"

- RH : C'est une amitié qui date de 20 ans. Jean Curtelin était journaliste. Je l'ai fait débuter dans un film de Claude Chabrol "Le Tigre se parfume à la dynamite", que j'ai co-écrit sous le pseudonyme d'Antoine Flasho. Ensuite il a beaucoup travaillé avec Chabrol. On s'est bien entendu, on a donc continué.

- LH : "Beppo apparait d'abord comme un "collabo", puis on découvre son double jeu et le fait qu'il lutte à sa façon contre le fascisme. C'est un être qui combat, mais qui est très sensible (les amis) et enfant (le coq). Il me fait un peu penser à Lorenzo, mais aussi à vous, surtout lorsqu'on vous voit si attentif aux comédiens. Quelle part de Beppo appartient à Roger Hanin ?"

- RH : Je connais bien Lorenzo car j'ai joué Alexandre dans la pièce. Alexandre va jusqu'au bout de ses prises de position, jusqu'à en mourrir. C'est vrai que lorsque je dis que Beppo n'est pas séduisant, je veux dire qu'il ne s'agit pas d'un rôle à effets. Les grandes scènes à effets sont celles de Arestrup, Stéphane Jobert, Piccoli, mais moi non. Cela dit, sur la distance ça peut devenir un rôle attachant. Il est généreux, gai, attentif, chaleureux avec ses danseurs mondains. Il aime les grosses femmes (rire). Il n'a pas de vraie scène. Il ne peut s'exprimer que par une sorte de sensibilité, de drôlerie.

Je ne crois pas qu'on puisse jouer un personnage qui n'ait pas de racines, de motivations communes avec l'acteur. C'est très difficile, ça ne peut pas convaincre longtemps. Ca se joue au niveau du choix. On accepte ou on refuse un rôle. Si j'accepte un rôle, c'est qu'il me plait pour des raisons chaque fois nouvelles. Après le choix, l'acteur reprend à son compte les réactions et les sensations du personnage.

- LH : "Comment définir le film? Comme un film d'action à la Borcalino, un film à grand spectacle, un film à message ou comme une lutte psychologique à 3 personnages (Beppo-Détaix, Détaix-Malleville) ? "

- RH : Il ya surtout la musique, les chansons qui décrivent le climat double entre la frivolité de l'époque et la guerre qui arrive. Avant une guerre on ressent toujours une espèce de décadence, de pernicivité parce que les gens vont mourir, ont peur de mourir et de tout perdre... Alors ils profitent. Hélas là, la danse et la musique, c'est ça! Il y avait la Rumba, le tango, le foxtrot, le charleston, la cucaracha, le boléro, le boston, la passo-doble, le lambeth-walk, tout ça en même temps. Et l'ensemble fait partie du décor du film et de l'incertitude. J'ai pensé et c'est ce qui a provoqué le choix, qu'il y avait beaucoup d'éléments à cette époque. Mais je ne les ai pas assemblés par souci mercantile d'efficacité. Ce n'est pas moi qui ai inventé ces rythmes dont j'ai parlé, ni l' imminence de la guerre, l'arrivée du fascisme italien, la bascule d'une certaine pègre, la collaboration aussi bien que la résistance... Tout cela, c'est dans l'époque.

- LH : "Le film est plein d'allusions au cinéma Hollywoodien. Qu'est-ce qui a justifié ce choix ?"

- RH : Je suis un fou du cinéma américain depuis que je suis enfant. J'ai fantasmé sur les stars américaines, aussi bien femmes que hommes: Joan Crawford, James Cagne, Humphrey Bogart, Mae West, Marlène Dietrich, Gréta Garbo...

Ce sont des personnages qui m'ont fait rêver et l'univers du cinéma américain, même stéréotypé, fait partie de ma mythologie.

Depuis longtemps je désirais faire un film où je joue comme ça, avec des stars. Je suis en premier plan avec Joan Crawford dans le bureau, c'est une mystification superbe!

- LH : "Comment avez vous choisi vos comédiens. Continuez vous à donner leur chance à de jeunes acteurs ?"

- RH :  Les acteurs sont fantastiques. Je les ai choisis pour leur sincérité, leur capacité à l'engagement, leur sens de la non économie, leur charme et leur naïveté. Pour diriger les gens il faut qu'ils soient naïfs, il faut qu'ils aient une capacité d'émerveillement aussi, qu'ils soient "séductibles". C'est ça qui fait le choix.

Le choix de Michaël Denard est aussi une bonne idée. J'ai voulu en faire un danseur et ne pas lui faire jouer la comédie. Je pense que pour lui c'est un bien d'être passé par là. J'avais un rôle dont le personnage était surnommé "Fred Astaire": un danseur mondain meilleur que les autres. Michaël comme le personnage a la beauté, la grâce. Il est candide aussi.

Je donne toujours leur chance à 4 ou 5 jeunes comédiens, rien n'a changé, ici il y a Sophie Michaud, Valérie Pascal, Corinne Touzet... Puis il y a les apparitions aussi: les amis!

- LH : "Mme Gouze Rénal avait également produit "Train d'enfer". Est-ce votre Productrice préférée ou s'agit-il avant tout d'une grande histoire d'amour? Participe t-elle à l'élaboration du scénario complice en tant qu'épouse ou reste t-elle dans son rôle de Productrice ?"

- RH : C'est le seul Producteur que j'embrasse sur la bouche (rire). Je fais un film un peu comme un aristocrate. J'ai besoin qu'il m'arrache quelque chose. Peut-être est-ce le dernier.

J'ai mis un an à écrire La Rumba, une longue préparation. Nous avons tourné deux mois et demi, ensuite il y a le montage. Le tout représente un an et demi de ma vie. Pour moi c'est très important. On ne s'engage pas à la légère! Je suis un peu macho. Alors elle m'aime comme je suis... J'en parle avec elle, cela va de soi, mais une fois terminé au niveau de la critique, je tolère celle qui se veut constructive, je n'accepte plus d'intervention au niveau de l'élaboration.

- LH : "Quel est votre rapport avec le décorateur ? Estes vous juste indicatif? Pourquoi le choix de Evein? Lorsqu'on écrit un scénario avec des décors, des effets, il est aisé de se laisser aller. Au moment de la préparation du film, se dit-on: "je suis allé un peu trop loin", "les décorateurs et les techniciens se débrouilleront"? "

- RH :  Lorsque j'ai débuté avec Evein, j'étais presque figurant dans un film. Il avait fait des décors admirables avec François de Lamothe. Puis chacun a fait sa carrière. Il a fait trois films pour ma femme dans lesquels je ne jouais pas: "La Sentence" (Jean Valère 1959), "Vie Privée" (Louis Malle 1961) et "Chambre en Ville" (Jacques Demy 1982)... des choses que j'admire profondément.

Pour moi il a fait trois décors exceptionnels et si ce film a le succés que j'espère, il y sera associé car tout cela est vraiment superbe.

Pour les décors du "coq blanc" et du "clandé", je ne lui ai rien indiqué. Je voulais qu'il s'amuse lui aussi, qu'il soit heureux, c'est ça qui compte! J'ai vu que le décor était pratique au niveau de l'utilisation, des dégagements, ça c'est important.

Pour le "Hollywood", l'idée est de moi. J'ai voulu les photos de toutes ces stars. Je lui ai précisé où devait se trouver le bar, le vestiaire, la scène, par rapport aux impératifs de tournage, ensuite il a fait son décor.

Je ne crois pas que l'on s'auto-censure. Avec l'expérience on pense à la phase du tournage. C'est vrai que maintenant je n'ai plus envie de faire un film où il y aurait des incendies, des poursuites (bien qu'il n'y en ai pas ici). Je vais faire un film pour la télévision en tant que metteur-en-scène. C'est un film plus intimiste. L'idée de retravailler en qualité de metteur-en-scène, ça me fatigue déjà. C'est très éprouvant. Après je vais arrêter. Je suis surtout un acteur.

- LH : "D'acteur vous êtes passé à la réalisation. Quel chemin avez vous parcouru  dans la connaissance de la technique ?"

- RH : Au niveau de la technique, il n'y a pas de problème. Je m'amuse souvent des techniciens en leur demandant: "c'est quoi ci? C'est quoi ça?". Je les agace car ils ont le net sentiment que je refuse d'entrer dans leur jeu.

Voyez vous, quelques fois les techniciens (ce n'est pas le cas de ceux avec qui je collabore) "s'exagèrent.".. ou ils exagèrent un peu la technique.

Je vais prétendre apprendre la mise-en-scène en deux heures à n'importe qui. Une seule chose change tout: il sera bon ou pas!

La technique de réalisation ça s'apprend: vite. Mais on ne peut apprendre en deux heures à devenir acteur ou scénariste.

Dans la mise-en-scène intervient le tempérament, c'est une question de formation, de goût, de sens du rythme, d'une certaine élégance de la personnalité. On abuse les gens. Je fais partie d'une génération d'acteurs pour lesquels un metteur-en-scène apparaît comme un sorcier.

- LH : "Quels sont vos projets ?"

- RH : "Je vais faire un film avec Alexandre Arcady, ça va me reposer! Ensuite il y aura ce téléfilm, "Un coupable" et surtout je vais prendre le temps d'écrire mon deuxième roman "Les gants d'Alexandre". Puis il se produira d'autres choses, je vais faire des rencontres et le téléphone sonnera!